acte de langage
acte de langage, action exercée par la parole (on parle aussi, dans ce même sens, d’« acte de parole »).
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« QUAND DIRE, C’EST FAIRE » |
Selon la pragmatique, le langage ne se réduit pas à un simple code visant à exprimer la pensée et à échanger des informations. Il est également le siège où s’accomplissent des actes qui visent à modifier la réalité. Ainsi, en disant Je baptise ce bateau Queen Elizabeth (en brisant la bouteille sur la coque), je ne fais pas que parler, mais j’accomplis, en parlant, un véritable acte de baptême (à la suite de cet acte, ce navire s’appellera Queen Elizabeth). De même, lorsque le juge d’un tribunal déclare La séance est ouverte, il accomplit un véritable acte de parole, qui consiste à ouvrir la séance (la séance n’est réputée ouverte qu’à la suite de cette formule).
À côté de ces actes de parole qui, pour s’accomplir, nécessitent un contexte social approprié, il existe toute une série d’actes, dits « ordinaires », que le langage accomplit sans exiger des conditions aussi spécifiques. Ainsi, en proférant Je t’ordonne de te taire ou Quelle heure est-il ?, j’accomplis, par le fait même de dire, des actes réels (ordre, question), qui prétendent influer sur mon interlocuteur en l’amenant à faire ou à dire quelque chose.
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LES DIFFÉRENTS TYPES D’ÉNONCÉS |
3.1 |
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Performatif vs constatif |
C’est le philosophe anglais J. L. Austin qui, le premier, a introduit la notion d’acte de langage. Au départ, Austin distingue deux types d’énoncés affirmatifs :
— les constatifs, qui décrivent le monde, et peuvent, par conséquent, recevoir la sanction vrai / faux :
(1) La Terre
est ronde.
— les performatifs, qui ne décrivent rien (et ne peuvent donc pas recevoir une valeur de vérité), mais accomplissent une action :
(2) Je te promets de venir.
3.2 |
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Performatif explicite vs performatif implicite |
Au cours de sa réflexion, Austin s’est aperçu qu’à côté des performatifs explicites comme (2), il existe des performatifs implicites. Un énoncé comme (3) :
(3) Je viendrai.
peut être compris comme une promesse, qui ne se distingue alors de (2) que par le caractère implicite de l’acte de promesse accompli.
Parallèlement, proférer (1), ce n’est pas simplement rapporter un fait, mais aussi affirmer la réalité de ce fait. Or, l’affirmation est aussi une action qui engage la responsabilité du locuteur. L’énoncé (1) est en effet comparable à (4) :
(4) J’affirme que la terre est ronde.
Cela signifie que les énoncés constatifs accomplissent également des actes de langage. La distinction entre performatif et constatif n’étant plus aussi tranchée, Austin se propose de l’abandonner en profit d’une théorie générale des actes de langage.
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LES ACTES LOCUTOIRE, ILLOCUTOIRE ET PERLOCUTOIRE |
Dans le cadre de la théorie des actes de langage, Austin distingue trois types d’actes accomplis grâce au langage :
— un acte locutoire, qui correspond au fait de dire, dans le sens de produire de la parole (en articulant et en combinant des sons et des mots selon les règles de la grammaire) ;
— un acte illocutoire que l’on accomplit en disant quelque chose : j’accomplis un acte de promesse en disant Je promets, de questionnement en employant une interrogative, d’ordre en employant un impératif, etc. ;
— un acte perlocutoire qui correspond à l’effet produit sur l’interlocuteur par l’acte illocutoire. En posant une question, je peux m’attendre, au niveau perlocutoire, à toute une série de réactions possibles : je peux, par exemple, obtenir la réponse demandée, mais aussi une non-réponse, une contestation de la part de l’interlocuteur sur mon droit de lui poser des questions, etc.
La notion d’acte de langage est une notion centrale qui a donné naissance à la pragmatique. Depuis J. L. Austin, elle n’a pas cessé de susciter relectures et commentaires, à la fois chez les philosophes du langage (notamment J. R. Searle, disciple d’Austin), et chez certains linguistes, parmi lesquels il convient de citer Émile Benveniste et Oswald Ducrot.
communication
communication, dans un sens large, toute opération de transfert ou d’échange d’informations entre un « émetteur » et un « récepteur ».
Dans ce sens, la communication ne se réduit pas à l’échange verbal, puisqu’il existe bien d’autres systèmes de communication, aussi bien humains (l’écriture Braille, la signalisation routière, les cartes, etc.), que non humains (par exemple, la danse des abeilles).
Quel que soit le type de communication, le transfert d’informations n’est possible que si émetteur et récepteur partagent, au moins partiellement, le code (c’est-à-dire le système de signes) dans lequel a été transcrit le message.
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DIFFÉRENTS TYPES DE COMMUNICATION |
Telle qu’elle vient d’être définie, la communication constitue un phénomène omniprésent, que l’on rencontre chez tous les organismes vivants. Par exemple, les différents signaux (olfactifs, sonores, visuels) que les animaux émettent (pour protéger leur territoire, échanger des informations concernant les sources de nourriture, rechercher un partenaire sexuel, etc.) seront considérés comme étant des manifestations de la communication animale.
Chez l’Homme, la communication ne se réduit pas non plus à des échanges verbaux, puisque, en dehors même de la langue des signes, nous émettons et recevons sans cesse, entre autres, des signaux visuels (postures, gestes, mimiques) et tactiles (les différents touchers, de la poignée de main aux caresses amoureuses). Ces signaux peuvent remplacer certains énoncés verbaux, mais peuvent aussi les accompagner ou les illustrer (comme dans les gestes illustratifs : « un poisson gros comme ça »), voire les contredire (par exemple dans certains types d’ironie).
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LA COMMUNICATION LINGUISTIQUE |
La communication verbale, capacité spécifique de l’espèce humaine, est le mode principal de communication entre les hommes, et utilise le langage naturel.
Elle peut être définie par un certain nombre de caractéristiques. En premier lieu, elle suppose chez les interlocuteurs un équipement anatomique (un appareil vocal et un appareil auditif, constitués d’un certain nombre d’organes périphériques) et, surtout, un équipement neurophysiologique particulier.
C’est cet équipement qui donne au langage naturel sa caractéristique principale, à savoir sa nature articulée. Selon beaucoup de linguistes, cette caractéristique permet de distinguer le langage humain de la communication animale, dans la mesure où seul le premier utilise des unités articulées entre elles : les phonèmes (les plus petites unités distinctives) et les morphèmes (ou monèmes, c’est-à-dire les plus petites unités porteuses de sens). La double articulation du langage naturel permet ainsi de distinguer la communication verbale de tous les autres types de communication.
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LE SCHÉMA DE COMMUNICATION SELON JAKOBSON |
Les premières théories de la communication ont été élaborées au milieu du xxe siècle par des ingénieurs américains qui cherchaient des solutions aux problèmes techniques liés à la perte d’informations (notamment lors de la transmission télégraphique).
Les modélisations qu’ils ont proposées, de portée très générale, ont inspiré plusieurs linguistes, dont Roman Jakobson qui a proposé le schéma de communication le plus simple et le plus connu :
Dans ce schéma, on peut identifier un destinateur (émetteur) qui émet un message à un destinataire (récepteur). Le message est transmis grâce à l’existence d’un code (la langue) partagé par les deux participants qui, pour qu’il y ait transmission d’informations, doivent obligatoirement entrer en contact (un contact qui suppose une connexion physique et psychologique). L’ensemble s’inscrit dans un contexte (verbal ou susceptible d’être verbalisé) (Voir aussi fonctions du langage).
connecteur
connecteur, notion d’origine logique qui désigne en linguistique tout élément servant à relier entre elles des propositions, ou, plus généralement, des séquences textuelles.
Il s’agit d’unités lexicales appartenant à diverses catégories grammaticales : conjonctions de coordination (et, mais, etc.) et de subordination (parce que, puisque, etc.) ; adverbes (alors, finalement) ; groupes prépositionnels (d’une part, en tout cas, etc.). Ces unités ont pour point commun de ne pas faire partie intégrante des propositions, et de contribuer à la structuration d’un texte en établissant toutes sortes de liens logico-sémantiques entre ses séquences, ce qui permet de les regrouper au sein de la classe des connecteurs.
En reliant des propositions ou des séquences textuelles, le connecteur permet d’expliciter la relation qui s’établit entre elles. Dans une phrase comme Je pense, donc je suis, le connecteur donc marque une relation de consécution.
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CLASSEMENT DES CONNECTEURS |
On propose pour les connecteurs plusieurs classifications concurrentes, qui varient sensiblement d’un travail à l’autre.
3.1 |
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Classifications de type fonctionnel |
Certaines se fondent sur un critère fonctionnel, en opposant deux classes de connecteurs selon le rôle qu’ils jouent : d’une part, ceux qui jouent un rôle dans l’exposition, comme les connecteurs rhétoriques (d’abord, ensuite, enfin, d’une part, d’autre part, etc.) et les connecteurs métatextuels (voir ci-dessous, ci-dessus, ci-joint, etc.) ; d’autre part, les connecteurs qui jouent un rôle dans la démonstration et l’argumentation (en effet, en revanche, ainsi, etc.).
3.2 |
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Classifications de type logico-sémantique |
D’autres classifications se fondent plutôt sur le type de lien logico-sémantique qui s’établit entre les propositions. Là aussi, les listes établies diffèrent sensiblement selon les auteurs. On peut, à titre d’illustration, en présenter les principales classes généralement distinguées :
— les connecteurs temporels, qui s’emploient principalement pour marquer l’organisation chronologique des événements décrits : et, puis, alors, ensuite, etc.
— les connecteurs spatiaux, qui marquent la localisation spatiale : ici, en bas, à gauche, etc.
— les connecteurs argumentatifs, qui explicitent les liens logico-sémantiques entre les séquences textuelles. Ces liens sont de différents types : ils peuvent exprimer l’opposition ou la concession (mais, pourtant, quand même, etc.), l’explication et / ou la justification (car, parce que, puisque, etc.), la conclusion (donc, aussi, ainsi, etc.), etc.
— les connecteurs énumératifs, qui permettent de recenser une série d’éléments (d’abord, ensuite, enfin, et, ou, aussi, également, de même, etc.)
— les connecteurs de reformulation, qui indiquent la reprise de ce qui a été dit précédemment (autrement dit, en un mot, en somme, en résumé, etc.).
Il convient de préciser que ces classifications sont loin d’être étanches, puisqu’un même connecteur peut se ranger dans plusieurs classes sémantiques. C’est que la valeur exacte d’un connecteur est en grande partie déterminée par le type de texte où il est employé. Par exemple, le connecteur alors joue un rôle conclusif (analogue à donc) dans un texte argumentatif, et un rôle chronologique dans un texte narratif.
Cours de linguistique générale [Ferdinand de Saussure]
Cours de linguistique générale [Ferdinand de Saussure], ouvrage publié par C. Bally et A. Séchehaye en 1916, qui constitue une recomposition synthétique de l’enseignement de Ferdinand de Saussure à l’université de Genève.
Bally et Séchehaye rendent compte de la linguistique de Saussure en faisant un travail de reconstitution à partir de notes prises par ses élèves entre 1906 et 1911. Le Cours de linguistique générale s’intéresse à la notion de langue, « la langue envisagée en elle-même et pour elle-même ».
Pour exprimer la spécificité de la langue, Saussure considère celle-ci comme un système, c’est-à-dire un ensemble dont toutes les parties sont interdépendantes ; en même temps, il inaugure la notion de signe linguistique. Ce signe est composé d’un signifié (le concept) et d’un signifiant (« l’empreinte psychique du mot »). Un signifié n’existe pas sans un signifiant, et inversement ; Saussure a montré le caractère indissociable des deux éléments du signe par la célèbre image de la feuille de papier dont « on ne peut découper le recto sans en découper en même temps le verso ».
C’est sur cette notion de signe que s’échafaude toute la linguistique saussurienne. Saussure élabore ainsi les unités de phonème, de morphème ou encore de syntagme,et il montre comment la langue peut être appréhendée selon deux points de vue opposés, l’un synchronique et l'autre diachronique. La perspective synchronique étudie la langue dans son fonctionnement effectif en un temps donné, tandis que la dimension diachronique s’intéresse à la langue dans son évolution.
On a souvent dénoncé les limites, voire l’absurdité, d’une œuvre construite à partir de notes d’élèves, mais en même temps personne n’a jamais remis en question l’importance d’une telle reconstruction qui a révélé ce qui compose les fondements de la linguistique moderne.
dénotation et connotation
dénotation et connotation, ensemble des significations premières et dérivées d’un signe linguistique.
En philosophie du langage, la dénotation d’une unité lexicale désigne l’ensemble des objets du monde auxquels elle renvoie. Dans ce sens, la dénotation peut être identifiée à la référence. Par exemple, le mot homme dénote la classe d’objets du monde ayant la propriété d’être des hommes.
Depuis Hjelmslev, les linguistes ne posent plus généralement le problème en termes de rapports entre le signe et son éventuel référent extralinguistique, et, s’intéressant exclusivement à la constitution interne du signe, définissent la dénotation comme étant le rapport unissant un signifiant (l’expression) à son signifié (le contenu). Ce rapport de signification est supposé stable et théoriquement partagé par l’ensemble de la communauté linguistique en question. C’est donc la dénotation qui constitue le garant du contenu conceptuel du lexique d’une langue.
La connotation se définit, par opposition à la dénotation, comme l’ensemble des significations secondes et variables selon les contextes qui s’attachent aux signes linguistiques, et viennent s’ajouter à leur sens ordinaire (ou dénotatif).
Ainsi, si l’on prend le terme mère, on constate qu’à côté du sens premier qu’il dénote — « une femme qui a mis au monde un ou plusieurs enfants » —, on lui attache souvent des valeurs métaphoriques qui expliquent son emploi dans des expressions comme la mère patrie, la maison mère, etc. Ces emplois sont possibles dans la mesure où ce terme suggère — ou évoque — une série de significations secondes, de type « amour », « protection », etc., qui se superposent à son sens premier.
Il en est de même pour un terme comme nuit, qui dans son sens strict dénote l’espace de temps qui s’écoule entre le coucher et le lever du soleil, mais qui, dans certains contextes, notamment dans le langage poétique, évoque les notions de « tristesse », de « mort », ou d’« ignorance » : Dans la nuit où nous sommes tous, le savant se cogne au mur (Anatole France).
On pourrait ainsi multiplier les exemples de valeurs connotatives qui se superposent aux valeurs dénotatives des termes.
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LES CARACTÉRISTIQUES DU LANGAGE CONNOTATIF |
Contrairement au langage dénotatif, la connotation se présente comme un langage instable, à la fois sur le plan du contenu et sur celui de l’expression. Sur le plan du contenu, on constate qu’un signifiant connotatif donné n’est pas attaché au même signifié. L’effet de sens produit peut, en effet, varier considérablement d’un groupe à l’autre, voire d’un individu à l’autre. Sur le plan de l’expression, les signifiants connotatifs ne coïncident pas toujours avec les signifiants dénotatifs, puisqu’ils englobent, outre les unités lexicales, toute une série d’éléments de divers ordres.
On trouve ici des facteurs qui relèvent, par exemple, du registre de la langue. Ainsi, si les mots chien et clébard désignent le même animal, ils se chargent de sens connotatifs distincts, et peuvent ainsi nous renseigner sur l’origine sociale du locuteur et / ou sur la situation de communication.
Le sens connotatif peut être véhiculé par des facteurs phonétiques (par exemple, le ton sur lequel est prononcée une phrase apporte une information importante, qui peut être en contradiction avec le sens dénotatif) ou syntaxiques (par exemple, l’emploi d’une phrase de type *l’homme que je t’ai parlé, jugée inacceptable en français standard, nous renseigne sur le niveau culturel de son énonciateur).
D’autres éléments extralinguistiques (comme la gestuelle, les mimiques, etc.) peuvent également avoir un sens connotatif.
énonciation
énonciation, processus de production linguistique d’un énoncé par un individu donné, dans une situation de communication précise. L’énonciation s’oppose ainsi à l’énoncé comme s’oppose l’action à son résultat.
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LES CARACTÉRISTIQUES DE L’ÉNONCIATION |
Si l’étude strictement linguistique d’un énoncé peut se passer des circonstances réelles de sa production, l’étude de l’énonciation implique par définition la prise en considération d’un certain nombre de facteurs relatifs à la communication, au premier rang desquels il convient de citer :
• les acteurs de la communication, c’est-à-dire le locuteur (ou l’énonciateur) et l’allocutaire (ou le destinataire) ;
• la portion du temps chronologique où a lieu l’acte d’énonciation ;
• le lieu spécifique où se situent les acteurs de la communication ;
• plus généralement, tout élément dont la présence dans la situation de communication est considérée comme pertinent dans le processus d’énonciation.
La prise en compte de ces différents facteurs ouvre de nouvelles perspectives de recherche pour la linguistique.
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QUELQUES THÈMES DE RECHERCHE DE LA LINGUISTIQUE ÉNONCIATIVE |
Comme le souligne Émile Benveniste, l’énonciation implique que le locuteur « mobilise la langue pour son compte ». Cela revient à considérer l’énonciation comme un processus individuel d’actualisation (ou de mise en action) de la langue dans une situation précise. Plusieurs linguistes, dont Benveniste et Jakobson, se sont alors intéressés à l’étude de faits de langue qui renvoient à la situation d’énonciation. On retrouve ainsi l’un des thèmes privilégiés de la linguistique énonciative, à savoir l’étude des embrayeurs, c’est-à-dire la classe des éléments linguistiques qui, tout en appartenant à la langue, nécessitent, pour être interprétés, la prise en compte de la situation d’énonciation (les pronoms personnels je et tu, les adverbes déictiques temporels et spatiaux de type maintenant, aujourd’hui, ici, à côté, etc.). Cet axe de recherche s’est développé d’une manière considérable ces dernières années, et s’est montré particulièrement fécond dans les études sur la temporalité.
Un autre axe de recherche tout aussi important concerne la façon dont l’énonciateur se situe par rapport à son énoncé, à son interlocuteur, et au monde. C’est que l’énonciation ne se réduit pas à une simple transmission d’information, mais implique, entre autres, de la part du locuteur une certaine manière de présenter le contenu de son énoncé. On rencontre ici, dans la tradition française, un certain nombre de concepts énonciatifs fondamentaux, dont l’un des plus importants est sans doute la distance, plus ou moins grande, que le locuteur instaure avec son énoncé. Un énonciateur peut en effet totalement prendre en charge le contenu de son énoncé — par exemple par l’emploi du pronom personnel je, ou par l’emploi de certains verbes performatifs (voir acte de langage), etc. —, comme il peut marquer vis-à-vis de ce contenu une certaine réserve, voire un rejet total. Cette non-prise en charge peut par exemple être marquée par certains emplois du conditionnel et par l’usage des adverbes de modalité de type sans doute, peut-être, etc. Cet axe de recherche a donné naissance, ces dernières années, à l’une des théories énonciatives les plus prometteuses : la théorie polyphonique, introduite notamment par Oswald Ducrot.
Il convient enfin de préciser que le concept d’énonciation, notamment dans le domaine anglo-saxon, a constitué le point de départ de nombreuses autres recherches qui se situent sur les frontières de la linguistique (psycholinguistique, sociolinguistique, pragmatique, ethnographie de la communication, etc.).
fonctions du langage
fonctions du langage, théorie fondée par Roman Jakobson distinguant les six fonctions de la communication linguistique : référentielle, poétique, expressive, conative, phatique et métalinguistique.
Depuis l’Antiquité, les fonctions du langage sont au centre des débats des philosophes, logiciens, grammairiens et linguistes. Il est communément admis que la fonction centrale du langage est la communication : il permet aux hommes de communiquer entre eux, d’échanger des informations. C’est ce qu’on appelle la fonction référentielle. Cependant, il existe de nombreux cas de figure où le langage est employé à d’autres fins.
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LES FONCTIONS DU LANGAGE SELON JAKOBSON |
Aujourd’hui, les travaux les plus importants concernant les fonctions du langage ont été réalisés par le linguiste Roman Jakobson, qui s’est appuyé sur les travaux du psychologue Karl Bühler (1879–1963). Jakobson, dans ses Essais de linguistique générale (1963 et 1973), démontre que la plupart des actes de langage mettent en œuvre six facteurs : un émetteur (ou locuteur / destinateur) qui transmet un message à un récepteur (ou destinataire) dans un contexte, selon un code qui est commun à l’émetteur et au récepteur et par le biais d’un canal (ou contact) qui établit et maintient la communication (la parole ou l’écrit). Par ailleurs, il distingue six fonctions : référentielle, poétique, expressive, conative, phatique et métalinguistique.
2.1 |
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La fonction référentielle |
La fonction référentielle, appelée également dénotative ou cognitive (Voir aussi dénotation et connotation), permet de parler de toutes les réalités de l’univers (réalités extra-linguistiques), qu’il s’agisse d’objets concrets ou d’idées abstraites, d’actions, de qualités ou qu’il s’agisse de réalités ou de concepts imaginaires. Le mot renvoie à un référent (la chose nommée), ce qui se traduit dans la théorie de Ferdinand de Saussure par l’opposition signifiant / signifié.
La fonction poétique accorde une importance particulière à l’aspect « esthétique » du message transmis. Elle utilise des procédés qui permettent de mettre le langage lui-même en valeur et cela aussi bien dans des œuvres en vers que des œuvres en prose. Jakobson parle d’« accent mis sur le message pour son propre compte ».
2.3 |
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La fonction expressive |
La fonction expressive centre le message sur le locuteur qui cherche à exprimer ses sentiments. C’est ce qui distingue par exemple une phrase exclamative telle que Il fait chaud ! d’une phrase déclarative telle que Il fait chaud. Dans le premier cas, le locuteur est impliqué dans le message, il a sans doute lui-même chaud. Le second message est lui une simple déclaration, constatation, un renvoi à une réalité.
La fonction conative (appelé aussi fonction impérative ou injonctive) centre le message sur le destinataire. Le locuteur cherche à produire un effet sur son interlocuteur : obtenir quelque chose de lui (dans le cas d’un ordre, par exemple) ou l’impliquer (lorsqu’on l’appelle, par exemple). Cette fonction est essentiellement représentée par l’emploi de l’impératif et du vocatif.
La fonction phatique est celle qui permet d’établir, de maintenir ou d’interrompre le contact entre deux interlocuteurs. Le message n’a pas de contenu informationnel, il ne renvoie à aucune réalité extra-linguistique. Généralement très présente à l’oral (allô ?, n’est-ce pas, euh, etc.), on peut la retrouver à l’écrit. Ainsi des textes tels que les sommaires, les index, voire les titres servent de lien entre l’auteur et le lecteur.
2.6 |
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La fonction métalinguistique |
La fonction métalinguistique est celle qui centre le message sur la langue elle-même en prenant le code utilisé comme objet de description. L’émetteur au travers d’expressions telles que c’est-à-dire, en d’autres termes, ce qui signifie, etc. se livre à une analyse du discours.
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LES LIMITES DE L’ANALYSE DE JAKOBSON |
Cependant, l’analyse de Jakobson, aussi détaillée soit-elle, pose un certain nombre de problèmes que beaucoup de linguistes n’ont pas manqué de relever. En effet, les fonctions, en apparence bien délimitées, ne le sont pas aussi clairement dans la réalité. Comment, par exemple, faire la part entre la fonction poétique et la fonction référentielle dans un poème ? Les poètes s’attachent certes à l’aspect esthétique de leur œuvre, mais la fonction référentielle est le plus souvent fortement présente. Par ailleurs, une phrase telle que Écoutez bien relève-t-elle plutôt de la fonction phatique ou de la fonction conative ? Aussi, malgré les découvertes de Jakobson, l’étude sur les fonctions du langage reste un grand champ d’investigation.
sémantique
sémantique (du grec semantikos, « qui signifie, qui indique »), étude du sens, envisagé comme la relation de signification qui unit les mots aux choses, ou comme la relation existant entre les signes et leurs utilisateurs.
Le mot de sémantique a été créé au XIXe siècle par le linguiste français Michel Bréal, qui l'entendait de façon très générale, comme une science de la signification, et il correspond en fait à des domaines de recherche divers selon que l'on conçoit la sémantique comme l'étude du sens en général, ou qu'on la conçoit comme une discipline traitant de la question du sens des mots et des expressions linguistiques. Des questions comme celle du rapport entre les signes linguistiques et les choses ou les faits qu'ils désignent, celle de la référence des expressions linguistiques (voir référence) et enfin celle de la signification des énoncés, relèvent de la sémantique. La sémantique s'efforce de répondre à des questions comme « quel est le sens du mot X ? », « que signifie X ? », non pas en disant « X signifie x », ce que tout locuteur parlant la langue dans laquelle X existe est capable de faire, mais en étudiant la manière dont les signes réfèrent à des choses extra-linguistiques et s'opposent entre eux au sein du système d'une langue donnée. Quand la sémantique traite des rapports entre les signes et leurs utilisateurs, elle formule des théories concernant le sens, sa transmission et sa compréhension.
La sémantique peut être abordée d'un point de vue logique, d'un point de vue philosophique ou d'un point de vue linguistique, sans que, d'ailleurs, ces points de vue soient exclusifs ni s'ignorent les uns les autres. C'est essentiellement la question de la valeur de vérité des expressions linguistiques qui a inspiré les recherches en logique. La sémantique d'inspiration logique a analysé, entre autres, les problèmes posés par les expressions de sens différent qui désignent le même référent comme par exemple « le vainqueur de Iéna » et « le vaincu de Waterloo », qui réfèrent toutes deux à Napoléon, mais ne le décrivent pas de la même façon. Dans la perspective d'une sémantique linguistique, on a étudié les relations de sens entre les différents signes d'un système linguistique donné. Partant du principe que le sens d'une unité linguistique peut être décrit à l'aide d'un ensemble de traits sémantiques (par exemple, un mot comme « femme » peut être décrit à l'aide des traits « être animé, humain, de sexe féminin, adulte », par opposition à « jeune fille », dont la description sémantique ne comportera pas le trait « adulte »), les linguistes postulent que le sens peut être décrit en termes d'opposition de traits.
Les diverses approches sémantiques ont eu des applications dans d'autres domaines, comme celui notamment de l'anthropologie. Des anthropologues ont étudié les traits spécifiques d'une culture donnée en se référant à la sémantique descriptive. Leurs recherches sur les systèmes de classification dans les cultures non occidentales, par exemple sur la façon dont certaines cultures décrivaient le spectre des couleurs, ont été utilisées par la sémantique. Les psychologues s'intéressent aux recherches de sémantique théorique qui visent à décrire les processus mentaux de la compréhension et à identifier la façon dont les individus acquièrent le sens (ainsi que le son et la structure).
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ORIGINES DES RECHERCHES SÉMANTIQUES EN PHILOSOPHIE ET EN LOGIQUE |
Bertrand Russell
THE BETTMANN ARCHIVE/Corbis
En 1910, le mathématicien, logicien et philosophe britannique Bertrand Russell publia les Principia Mathematica, écrits en collaboration avec Alfred North Whitehead. Ces travaux sur la logique mathématique, qui fournissaient notamment une langue symbolique élaborée de manière à éviter les ambiguïtés de la langue courante, influencèrent le groupe de philosophes connu sous le nom de Cercle de Vienne et dont les travaux ont fondé le positivisme logique (voir Analytique et linguistique, philosophie).
Rudolf Carnap
UPI/Corbis
Le philosophe allemand Rudolf Carnap, qui fut l'un des chefs de file du Cercle de Vienne, apporta une contribution essentielle à la sémantique philosophique en élaborant une logique symbolique qui utilisait une notation mathématique pour indiquer de façon non ambiguë ce que les signes désignent et que le langage ordinaire indique de façon équivoque. Ainsi, la logique symbolique est en elle-même une langue, et plus précisément une métalangue, c'est-à-dire une langue formelle utilisée pour décrire un langage-objet, c'est-à-dire une langue qui est l'objet d'une étude sémantique donnée.
La description d'un langage-objet par une métalangue est désignée sous le nom de sémiotique de cette langue. La sémiotique d'une langue comporte une dimension sémantique, qui prend en compte la manière dont les signes (qu'il s'agisse de mots, d'expressions ou de phrases) désignent des choses, une dimension pragmatique, qui traite des relations entre les locuteurs et les signes et une dimension syntaxique.
Chaque signe interprété par cette sémiotique doit répondre à une condition de vérité, c'est-à-dire à une condition qui doit être remplie pour que le signe soit considéré comme vrai. Le sens d'un signe correspond à ce qu'il désigne quand la condition de vérité est remplie. Par exemple, l'expression « la lune est sphérique » peut être comprise par n'importe qui connaissant le français, mais cela ne signifie pas pour autant qu'elle soit vraie. Elle ne l'est que si la chose à laquelle elle se rapporte — la lune — est bien sphérique. Pour déterminer la valeur de vérité de l'expression, il est nécessaire d'observer la lune elle-même.
2.2 |
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Sémantique des actes de parole |
Ludwig Wittgenstein
Keystone Pressedienst GmbH
La logique de la philosophie positiviste logique représente une tentative pour atteindre le sens par la vérifiabilité empirique des signes, c'est-à-dire par la capacité de confirmer la vérité du signe en observant le monde réel. Cette approche du sens a été critiquée par Wittgenstein, qui a remarqué que tous les signes ne désignent pas des choses du monde, et qu'ils ne sont pas non plus tous analysables en termes de valeurs de vérité. Dans son approche de la sémantique philosophique, les règles du sens se révèlent dans l'utilisation du discours.
Les théories actuelles de la sémantique dite « des actes de langage » proviennent entre autre de ces observations de Wittgenstein. J.L. Austin, l'un des initiateurs de la philosophie dite du langage ordinaire, a avancé qu'en parlant, une personne accomplit un acte, ou une action verbale (comme déclarer, promettre ou s'excuser), et que le sens d'une expression réside dans l'acte qu'elle accomplit (voir acte de langage). Le philosophe américain John R. Searle a développé les théories d'Austin en insistant sur la nécessité de relier les fonctions des signes et des expressions à leur contexte social. Searle a ainsi distingué dans tout acte de langage une valeur locutoire, puisque toute parole est un acte de langage, une valeur illocutoire, parce que certains actes, comme promettre ou commander, ne peuvent être accomplis qu'au moyen de la parole et une valeur dite « perlocutoire » et qui désigne l'effet produit — sur l'interlocuteur — par tout acte de langage.
Tout ce qui s'est développé par la suite dans le domaine de la sémantique philosophique a été lié à la distinction entre la sémantique des conditions de vérité et la sémantique des actes de parole. Certains critiques de la théorie des actes de parole pensent qu'elle ne traite que de la signification dans la communication (par opposition à la signification dans le langage) et qu'elle relève, donc, de la seule dimension pragmatique de la sémiotique du langage. En ce sens, elle se rapporterait aux signes et au savoir sur le monde partagé par les interlocuteurs, plutôt qu'aux signes et à leurs désignations (dimension sémantique) ou aux relations formelles entre les signes (dimension syntaxique). Si l'on estime que la sémantique devrait se limiter à l'attribution d'interprétations aux signes eux-mêmes — indépendamment du locuteur et du destinataire —, alors il n'y a pas de sémantique des actes de langage, mais seulement une pragmatique.
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APPROCHES LINGUISTIQUES |
3.1 |
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Sémantique componentielle |
Claude Lévi-Strauss
Claude Lévi-Strauss est un des penseurs majeurs du xxe siècle. Il est l’un des principaux représentants du structuralisme et a étendu le concept de structure de la linguistique à l’anthropologie puis aux sciences humaines en général.
Phillipe Caron/Corbis
La sémantique linguistique examine le sens des signes à l'intérieur du système d'une langue donnée. L'analyse sémantique dite « componentielle, » parce qu'elle postule que le sens peut être décomposé en traits, vise à déterminer comment les signes d'une langue — en l'occurrence les mots conçus comme des éléments de vocabulaire et appelés lexèmes — sont reliés aux perceptions et aux pensées des utilisateurs de cette langue. Une des hypothèses de départ de la sémantique componentielle est que les catégories linguistiques influencent ou déterminent la façon dont les individus voient le monde. Cette hypothèse a notamment été formulée, à l'origine, par l'ethnolinguiste américain Benjamin Lee Whorf. Dans l'analyse componentielle, les lexèmes sont regroupés en domaines sémantiques, comparables à ceux utilisés dans les descriptions lexicographiques (par exemple, navigation, physique, biologie, culinaire), à l'intérieur desquels les lexèmes s'interdéfinissent. Un domaine sémantique se caractérise d'une part, par le fait que les lexèmes qui en font partie possèdent des traits sémantiques distinctifs permettant de les différencier les uns des autres, et, d'autre part, par le fait qu'ils possèdent des traits communs. Dans un domaine sémantique donné, comme par exemple celui des sièges, il est possible d'établir des distinctions entre les lexèmes « chaise », « fauteuil », « tabouret » et « banc », en fonction du nombre de personnes qui peuvent s'y asseoir et de la présence ou non d'un dossier. Tous ces lexèmes ont, par ailleurs, en commun le trait sémantique « objet destiné à s'asseoir ».
L'ambition de la sémantique componentielle est de parvenir à identifier un ensemble de traits sémantiques universels, dont il serait possible de tirer les divers ensembles de traits qui caractérisent les différentes langues. Cette idée de traits sémantiques universels a été appliquée par Claude Lévi-Strauss à l'analyse du système des relations de parenté dans plusieurs cultures. Lévi-Strauss a montré que les individus organisent leurs sociétés et y déterminent leur place selon des formes qui possèdent des similitudes sous-jacentes remarquables, malgré leurs différences apparentes.
Noam Chomsky
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Dans la perspective de la grammaire générative, illustrée notamment par les thèses de Noam Chomsky, la sémantique a été initialement conçue comme une dimension que la description générativiste ne devait pas prendre en compte. Mais le sens n'en était pas moins conçu comme faisant partie de la compétence linguistique, c'est-à-dire du savoir sur la langue que chaque être humain possède. Une grammaire générative, visant en tant que telle à donner un modèle de la compétence linguistique, a une composante phonologique, une composante syntaxique et une composante sémantique. Dans la mesure où elle s'intègre à la théorie générative du sens, la composante sémantique est élaborée comme un système de règles qui déterminent le sens à donner aux signes. Une phrase comme « d'incolores idées vertes dorment furieusement » bien qu'étant grammaticale, est dépourvue de sens. Les règles de génération du sens doivent également rendre compte des phénomènes d'ambiguïté et rendre compte du fait qu'une phrase comme « Voler comporte des risques » peut avoir deux interprétations différentes.
La sémantique générative vise à expliquer pourquoi un locuteur comprendra d'emblée que « d'incolores idées vertes dorment furieusement » est un énoncé dépourvu de sens, même s'il respecte les règles de la grammaire française, ou pourquoi face à une phrase comportant deux interprétations possibles, un locuteur peut savoir quel sens lui attribuer.
La sémantique générative développe l'idée que toutes les informations nécessaires à l'interprétation sémantique d'une phrase sont contenues dans une structure dite « profonde » de la phrase, c'est-à-dire une structure sous-jacente à la structure grammaticale de surface. La structure profonde d'une phrase met en jeu des lexèmes, c'est-à-dire des mots composés de faisceaux de traits sémantiques. À la surface de la phrase (au moment où elle est énoncée), ces lexèmes apparaîtront en tant que noms, verbes, adjectifs et autres parties du discours, c'est-à-dire comme éléments de vocabulaire. Quand la phrase est formulée par le locuteur, des rôles sémantiques (tels que sujet, objet, verbe) sont assignés aux lexèmes.
La question de la différence entre la structure profonde et l'interprétation sémantique a fait l'objet d'une controverse. La plupart des spécialistes de la linguistique générative pensent qu'une grammaire devrait générer l'ensemble des expressions sémantiquement bien formées qui sont possibles dans une langue donnée, et qu'une grammaire devrait par conséquent associer une interprétation sémantique à chaque expression. Dans le cadre d'une théorie générative pourtant fondée sur la syntaxe, ce sont la structure de surface et la structure profonde qui, ensemble, déterminent l'interprétation sémantique d'une expression.